Du 19 au 25 janvier 2022
MADRES PARALELAS
PEDRO ALMODOVAR
Espagne, sortie le 01/12/2021, 2h00 - VOST
Avec Pénélope Cruz, Milena Smit, Israel Elejalde
Prix de la Meilleure Interprétation féminine et 3 Nominations à la Mostra de Venise 2021 :
Lion d’Or - Meilleur scénario & Prix spécial du Jury.
Deux femmes, Janis et Ana, se rencontrent dans une chambre d'hôpital sur le point d’accoucher. Elles sont toutes les deux célibataires et sont tombées enceintes par accident.
Janis, d'âge mûr, photographe de mode, n'a aucun regret et durant les heures qui précèdent l'accouchement, elle est folle de joie.
Ana en revanche, est une adolescente effrayée, pleine de remords et traumatisée. Janis essaie de lui remonter le moral alors qu'elles marchent telles des somnambules dans le couloir de l'hôpital.
Les quelques mots qu'elles échangent pendant ces heures vont créer un lien très étroit entre elles, que le hasard se chargera de compliquer d'une manière qui changera leur vie à toutes les deux…
Pedro Almodóvar vieillit au même rythme que son cinéma, avec ce que cela comporte d’avantages et de renoncements. L’âge aidant, le cinéaste s’attaque à un sujet longtemps tabou en Espagne, qu’il n’avait qu’effleuré, notamment dans «la Mauvaise Education» (2004) : les séquelles du franquisme.
En particulier ses victimes, jetées dans les fosses communes, que leurs descendants aimeraient enterrer dignement. Sujet qu’Almodóvar aborde par le biais du mélodrame, soit l’histoire de deux mères célibataires à qui le destin joue des tours.
A la jonction de la grande et de la petite histoire se trouve Janis, une photographe de mode, élevée par sa grand-mère, dont elle a promis de retrouver et d’inhumer le père, tué par des phalangistes.
Or Janis se découvre enceinte à 40 ans et accouche d’une fille en même temps qu’Ana, la lycéenne qui partage sa chambre d’hôpital et n’a pas désiré sa grossesse.
Dès lors, les vies de ces deux battantes, abandonnées par les hommes, seront inextricablement liées. Maternité inespérée ou subie, histoires d’amour et d’ADN. Or celui-ci, s’il permet d’identifier les cadavres des fosses ou les parents biologiques d’un enfant, ne dit pas qui l’on est.
On retrouve l’essence d’Almodóvar, cette manière à la fois tortueuse et limpide de ruer dans les brancards du puritanisme et de panser les douleurs de l’existence par les vicissitudes du mélo.
Entre père parti, mère patrie et post-partum. Rien n’est innocent dans le choix des obstacles qu’il dresse devant ses héroïnes : tous font écho aux traumatismes de la guerre civile, de la pièce de García Lorca, victime des nationalistes, que joue la mère d’Ana à la substitution de bébés, au centre d’un trafic abominable durant la dictature.
Penélope Cruz n’a pas volé son prix d’interprétation vénitien et ajoute un beau personnage à la galerie de «mères désirables» que lui a confectionnée son mentor.
Quant aux renoncements? Ils concernent la forme, épurée, presque asséchée, l’image vidéo ajoutant à l’impression d’à-plat. Comme si, mis à part «la Voix humaine», court-métrage récréatif signé l’an dernier, explosion fétichiste de couleurs et de mouvements de caméra, Almodóvar, 72 ans, se sentait désormais tenu à l’austérité.
Amorcé par «Julieta», ce dépouillement le rapprocherait d’un Fritz Lang tardif si la flamboyance ne définissait aussi son style, ici ramené à l’essentiel. Assagissement ou sagesse ? A défaut d’éblouir, «Madres paralelas» remue le cœur et grandit l’esprit !
Et l'on retrouve avec joie la caméra d'Almodovar, dont on n'est pas près, ici, d'oublier la dernière image...
Un chef-d'oeuvre, dont la puissance à tous les étages (d'émotion, de fascination, de subversion) est digne des plus grands titres du cinéaste. La Septième Obsession
Madres paralelas reste, avec ses décors somptueux, ses costumes à la dernière mode et ses cadrages impeccables, du très grand spectacle : c’est une fête pour les yeux. Mais le spectacle est plus somptueux que sensationnel : la manière de traiter scénario et motifs est plus retenue, contenue justement par la perfection formelle d’un cinéaste qui, désormais, se paye le luxe du bon goût. Positif
En mêlant le rire au tragique, Pedro Almodóvar revient à ce qui a fait le meilleur de son cinéma des années 90 et 2000, à travers la figure éblouissante de deux mères. A Voir-à-Lire.com
Une intrigue délicieusement tordue et féminine où les apparences, pour une fois, ne sont pas trompeuses. Le Journal du Dimanche